Le rêve de voir le patinage synchronisé aux Jeux olympiques de 2018

Bien qu’il soit généralement admis que le patinage synchronisé a été lancé aux États-Unis, rappelons que le Canada a rapidement joint le mouvement naissant. Aujourd’hui, le sport gagne en popularité dans le monde entier et plus de 20 pays ont été représentés cette année aux Championnats du monde ISU accueillis par le Canada qui se sont déroulés ce mois-ci à Hamilton, en Ontario.

Une des motivations profondes du sport a toujours été de façonner l’histoire. Et aujourd’hui, après plus de 20 ans de travail avec les comités techniques de patinage synchronisé de l’ISU (SySTC) et les participants du sport, il y a une nette lueur d’espoir que le patinage synchronisé devienne une discipline olympique.

La Canadienne Cathy Dalton, entraîneure de patinage synchronisé et experte en la matière, participe à la discipline depuis ses débuts.

« Avoir une place aux Jeux olympiques était au départ un rêve, admet Cathy, mais grâce au travail infatigable des présidents des comités techniques qui visaient ce but, nommément de Marie Lundmark (Finlande), Leon Lurje (Suède), Uli Linder (Suisse) et Chris Buchanan (Grande-Bretagne), nous avons tous commencé à croire fermement que le patinage synchronisé avait sa place aux Jeux olympiques. »

La Finlandaise Marie Lundmark est la présidente actuelle du SySTC. « J’étais membre du SySTC dès le début, en 1994, à l’époque où notre but principal était de faire avancer la discipline en vue de tenir des Championnats du monde de patinage synchronisé, ce qui a été réalisé en 2000 à Minneapolis. Bien entendu, le succès des championnats a ouvert la porte à la possibilité que le patinage synchronisé devienne une discipline olympique. »

Dans leur plan initial de quatre ans, les comités ont élaboré une stratégie qui préparerait le sport à l’événement suprême. Une des étapes sur le chemin des Jeux olympiques était d’inclure le SyS aux Universiades d’hiver de la FISU, une étape franchie en 2007. Le sport gagnant en popularité dans le monde, les travaux se sont poursuivis avec l’ISU pour établir les normes, les exigences, les âges des patineurs, la composition des équipes de patinage synchronisé, la structure des compétitions… des détails qui aideraient le sport à se conformer aux autres épreuves olympiques.

Il y avait beaucoup à faire, sur la glace et hors glace. Dans les coulisses et au sein de la communauté de patinage synchronisé, la directive était d’établir la crédibilité de la discipline en faisant la promotion de l’acquisition d’habiletés de patinage de qualité.

En sa qualité d’entraîneure, Cathy était en première ligne. « Des décisions ont été prises visant à améliorer l’aspect athlétique des patineurs et la qualité du patinage, d’augmenter la difficulté des éléments et de promouvoir le perfectionnement des entraîneurs. »

Puis, en avril 2011, une autre étape importante était franchie.

« Il y a eu une réunion d’un groupe de travail sur le patinage synchronisé, dit Marie, au cours de laquelle nous avons discuté, avec les membres du conseil de patinage synchronisé, le SySTC, Peter Krick, directeur de la direction des sports, et Krisztina Regöczy, directrice des sports pour le patinage artistique, de la présentation officielle d’une demande au Comité international olympique (CIO). Nous avons donc rédigé une proposition décrivant la logistique d’ajout des équipes de patinage synchronisé aux Jeux olympiques. »

Il a fallu trois longues années de travail laborieux avant, qu’enfin, la proposition soit présentée au Congrès de l’ISU de 2014 à Dublin, en Irlande, et acceptée par le Congrès. L’ISU a par la suite demandé au CIO de reconnaître le patinage artistique comme une discipline olympique et de l’inclure aux Jeux olympiques d’hiver de 2018.

En juillet 2014, l’ISU a reçu un avis de réception officiel du CIO et un formulaire de demande d’information détaillée au sujet du patinage synchronisé, dont des questions portant sur les participants, les compétitions, la composition des équipes, le nombre d’athlètes, la vente des billets, les cotes d’écoute à la télévision et les statistiques des médias sociaux.

Cathy faisait partie de l’équipe responsable de la demande. « Ça a été difficile de trouver des statistiques fiables… mais nous l’avons fait! Nous avons préparé un dossier de présentation du patinage synchronisé à l’intention du CIO auquel nous avons joint de superbes photos, des faits et des bandes vidéo. »

Mais les demandes de renseignements du CIO ne se sont pas arrêtées là.

Au cours de l’été 2014, le CIO a envoyé une équipe d’observateurs à une compétition de patinage synchronisé de première classe, la Coupe de France, afin qu’elle fasse un rapport et présente des recommandations au CIO sur les activités du sport, l’environnement bruyant et enthousiaste et la réponse du public.

« La Coupe de France était une compétition merveilleuse à leur présenter, rappelle Cathy. Les trois personnes représentant le CIO étaient perspicaces et attentives. Elles semblaient aimer la compétition, ainsi que les nombreuses équipes et leurs programmes. Elles ont pris des photos et fait des enregistrements vidéo de la compétition qui, nous l’espérions, accompagneraient leur rapport au CIO… et elles ont assurément vu en quoi le patinage artistique en équipe pouvait créer une nouvelle dynamique et attirer de nouveaux admirateurs dans le mouvement olympique. »

Marie est une optimiste qui croit que le patinage synchronisé s’intègre parfaitement au modèle olympique.

« La popularité croissante de cette discipline auprès des groupes plus jeunes et les encouragements des fervents partisans à l’égard de leurs équipes favorites ont contribué à l’engouement rapide pour cette discipline. La participation des jeunes des fédérations membres de l’ISU s’est répandue dans les cinq continents. Ce sport présente des programmes rapides, dynamiques et exigeants sur le plan physique et technique qui sont très différents des performances difficiles des disciplines traditionnelles du patinage. »

Pour ce qui est du volet commercial de l’équation, Marie ajoute sans hésitation : « Compte tenu du réel attrait que cette discipline exerce chez les jeunes et de l’intérêt marqué des médias sociaux, nous voyons des avantages énormes au développement d’un contenu de marque qui présente d’excellentes possibilités de parrainage et de soutien accru des admirateurs. »

« Le sport est prêt, déclare Cathy d’un air malin. Plusieurs aspects d’ordre organisationnel ont été réglés pour une compétition olympique, par exemple, les horaires, les lieux, le dopage, les zones mixtes, l’hébergement et le transport. Les équipes sont prêtes à partir! »

Pour Marie Lundmark et de nombreux chefs de file du patinage synchronisé, l’approbation du CIO serait la dernière étape importante dans l’évolution du sport. « Je crois que depuis ses débuts, tous ceux et celles qui ont participé au patinage synchronisé (patineurs, entraîneurs, officiels et parents) ont contribué au développement de ce merveilleux sport. Nous espérons que notre travail et nos rêves seront appréciés. »

En attente de la décision du CIO.

Un patineur de 52 ans en quête de l’or aux Championnats nationaux

Pour la plupart des enfants canadiens, l’apprentissage du patinage est un rite de passage.

Toutefois, ce ne fut pas le cas pour Jeffrey Morden, natif de Fergus, en Ontario. Sa passion pour le patinage s’est manifestée beaucoup plus tard.

« En quatrième année, ma famille a quitté Fergus pour s’installer sur une ferme près de l’autoroute 6. Quand mes parents allaient travailler, ils nous faisaient garder en ville où les écoles étaient à distance de marche. Parfois, après l’école, ma gardienne me mettait des patins et je marchais sur le trottoir jusqu’à la patinoire, à quelques rues de chez elle. Je ne savais pas qu’il fallait porter des protège-lames! »

Jeffrey n’a pas suivi des leçons de patinage dans son enfance, mais d’autres sports ont meublé son quotidien.

« Lorsque j’étais jeune, j’aidais mon père qui était éleveur et coureur de chevaux de race Standardbred. Quand mon cousin a commencé à monter des chevaux, ce que je désirais faire aussi, j’ai commencé à suivre des leçons d’équitation à mon dixième anniversaire. Je raffolais tellement de cette activité que durant mon adolescence j’ai pris part à des compétitions dans la catégorie junior, puis au triathlon équestre et finalement aux championnats nationaux canadiens de Pony Club. »

Pendant ses études secondaires et toutes ses années de course équestre, Jeffrey s’est passionné pour la musique et a participé à une fanfare, à une chorale, à des comédies musicales scolaires et, son favori, à un groupe de musique pop contemporaine du nom de Surge. « Surge remportait un grand succès à mon école… Surge, c’était comme ABBA »!

Puis, en douzième année, son école s’est lancée dans une première grosse production, Guy and Dolls. Ce fut un tournant pour Jeffrey.

« À l’époque, je continuais à participer à des concours équestres, et, comme je me préparais à passer un examen au Pony Club, je n’avais pas le temps d’auditionner pour le spectacle. »

Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait pas d’intérêt pour le spectacle et, en fait, il se sentait tellement exclu que son professeur de chant a demandé au directeur de lui faire passer une audition à la dernière minute. Le directeur a été charmé et lui a immédiatement donné un rôle pour le spectacle de cette année-là et lui a confié l’année suivante le rôle de l’avocat Louie Loser dans Jacob Two-Two and the Hooded Fang.

jeffrey-morden-costume-designPendant son année terminale, plus que jamais passionné de musique et de théâtre, Jeffrey savait qu’il arrivait à la croisée des chemins et qu’il devrait prendre une grande décision à l’issue de la remise des diplômes. Poursuivrait-il une carrière équestre ou ses études?

« J’ai choisi l’université, admet Jeffrey. J’ai fini par m’inscrire à la School of Dramatic Art à l’université de Windsor dans une majeure en conception de décors et de costumes ». Mais un an plus tard, conscient qu’il avait des talents cachés qu’il n’avait pas encore explorés, il s’est inscrit au volet performance.

« J’ai suivi des cours de voix à l’école de musique, j’ai joué dans des pièces à l’école d’art dramatique et j’ai fait des cours de danse dans tous les studios de la ville. »

Il était loin de se douter qu’une autre discipline, le patinage, l’attendait en coulisse.

« Pendant mes années d’études à l’université, je regardais le patinage à la télévision. Il y avait quelque chose dans ce sport qui touchait une corde sensible. Comme il y avait une patinoire à deux pâtés de maisons de mon appartement, j’ai décidé de faire un essai. J’ai acheté chez Goodwill de vieux patins, je les ai teints en noir et j’ai cherché dans l’annuaire un endroit où je pourrais les faire affûter. Quand je les ai apportés à la boutique de patinage artistique, les gens les regardaient, incrédules… car personne ne pouvait décemment patiner sur ces patins! »

Et dans le plus pur style « Jeffrey », il a parlé avec le propriétaire de la boutique. « En échange d’une paire de patins usagés pour hommes, je vous offre de perler des robes et de créer des modèles. Cette année-là, j’ai même perlé la robe de la patineuse en couple internationale Denise Benning! »

À la fin de ses études, Jeffrey envisageait de déménager à Toronto. La première chose qu’il a faite après s’être installé a été de trouver un club de patinage et un entraîneur, d’abord au West Toronto Figure Skating Club, puis au Moss Park Skating Club. « J’ai étudié la danse et les figures, j’ai commencé à passer des tests et j’ai réussi mon premier test préliminaire de style libre quatre mois plus tard… et je suis fier de dire que mon programme contenait deux sauts Axel! »

C’était un début merveilleux pour un patineur adulte de 24 ans, mais quand Jeffrey a commencé à obtenir plus de contrats de chanteur, danseur et acteur, il a dû reléguer le patinage au second plan. Pendant toutes ses années sur la route, donnant des performances en salle et sur des bateaux de croisière, il n’oubliait pas pour autant le plaisir de patiner et il profitait souvent des heures de répétition pour conserver sa mémoire musculaire du patinage.

jeffrey-morden-stage-performance« On me voyait souvent exécuter des sauts hors glace pendant les répétitions, au gymnase ou lors d’un échauffement avant un spectacle. Il m’arrivait à l’occasion de faire discrètement un saut ici et là pendant un spectacle. Je faisais un joli double saut de boucle dans l’adage de Summertime pendant Birth of the Blues sur une croisière de la Hollande en Amérique, mais sans plus. Je n’ai pas fait de patinage en public ou été invité pendant toutes ces années, sauf à une occasion à Singapour où je me suis présenté à une patinoire qui était malheureusement fermée ce jour-là. »

Passons vite les deux décennies suivantes pour arriver en 2011, au moment où Jeffrey renoue avec le patinage. « Un jour, alors que j’enseignais dans une école privée à Guelph, mon amie Lisa me dit : “Tu sais, il existe maintenant des compétitions pour les adultes.” Je suppose que je peux la blâmer de ma passion de concourir et de subir des tests dans la cinquantaine. »

Et il a fait tout un retour, avec la détermination farouche d’apprendre, de devenir un juge, de concourir et de partager ses connaissances de l’art de la performance.

Sur la glace, Jeffrey continue à s’entraîner en vue de tests et de compétitions. Il a atteint son but de réussir les danses du test junior bronze, le test senior bronze de style libre et le test or artistique. Il a remporté du succès en terminant en seconde place l’an dernier aux Championnats nationaux pour les adultes dans l’épreuve or de style libre chez les hommes et l’épreuve d’interprétation bronze chez les hommes. Cette année, à Calgary, il sera de retour aux Championnats nationaux pour les adultes comme représentant du Elora and District Skating Club où il cherchera à décrocher la première place sur le podium.

Il partage aussi de plus en plus ses connaissances sur l’art de la performance. « J’ai toujours affirmé que les patineurs sont jugés sur une chose pour laquelle ils n’ont aucun entraînement. Je crois que le fait que je sois un patineur, et maintenant un juge, en plus de mes années d’entraînement et d’expérience de la performance, m’autorise à partager beaucoup de connaissances. »

jeffrey-morden-nutcraker-performanceL’enseignement aux patineurs de la forme théâtrale et de son impact lui a déjà ouvert des portes. « Cet été, je travaillerai à Toronto pour la troisième année avec Carol Lame au Ice Dance Elite. En été, des patineurs du monde entier viennent suivre des ateliers avec Carol. J’ai eu le plaisir de travailler avec des équipes de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie, de la République tchèque, de même qu’avec des équipes canadiennes juniors et seniors fantastiques. »

Travailler hors glace avec des patineurs de compétition, donner des cours de performance et aider à mieux saisir les personnages et les intrigues témoignent de l’admiration que Jeffrey porte à un sport qu’il qualifie de combinaison d’athlétisme et d’art. Il a aussi le sentiment que le sport est à bien des égards un miroir de la vie.

« Il y a tellement de choses qui se recoupent. Que ce soit la gestion du temps, la vie saine ou l’apprentissage d’une nouvelle habileté, nous appliquons réellement les habiletés acquises sur la glace à notre vie quotidienne. »

Jeffrey souligne également que nul besoin d’être jeune pour patiner. « En vieillissant, c’est un sport sans impact formidable à pratiquer. Les seules poussées-élans de base améliorent l’équilibre, la force centrale, la coordination, le tonus musculaire et l’appareil cardiovasculaire. Si vous ajoutez la musicalité en utilisant toutes les parties du corps pour créer des formes, vous créez une activité d’un tout autre niveau. »

Son attitude est contagieuse.

« Après 12 ou 13 heures de jugement d’épreuves, tout le monde dit “J’ai besoin de prendre un verre” et je leur réponds invariablement “J’ai passé la journée à regarder des gens patiner, mais maintenant, je veux patiner!”

« Le problème toutefois est que je reste assis à regarder les patineurs en me disant que je n’ai que 52 ans et que je peux encore apprendre à faire telle chose. »

Calgary… Championnats nationaux pour les adultes… à vos marques!

Il n’y aura jamais qu’un Toller

Il n’y a qu’un seul Toller.

Inutile de préciser le nom Cranston pour décrire son caractère : créatif, flamboyant, véhément, extrêmement cultivé, haut en couleur, généreux, irritable.

Toller était une diva. Il possédait un humour laconique scandaleux en plus d’être un grand dépensier, capable de se promouvoir habilement, un personnage plus grand que nature qui allait toujours droit au but.

Et, peut-être, un artiste solitaire, qui nous a quittés trop tôt à l’âge de 65 ans. Sur une photo spectrale, on le voit sortir de son studio à San Miguel de Allende, au Mexique, à la lumière du jour, une figure solitaire, abandonnant à regret son travail.

Dans son livre, Zero Tollerance, Toller écrit : « J’ai passé 20 ans à la recherche d’amour (n’importe quel genre d’amour) sans le trouver. Ceci sous-entend, ironiquement, qu’à la fin de ces 20 années, je ne suis pas sûr que je l’aurais reconnu il si je l’avais trouvé. Il aurait pu être devant moi, mais je n’avais pas la sagesse voulue pour le discerner. »

Il a toujours suivi sa propre voie. Il était une île, même dans sa propre famille, a-t-il dit jadis. Sa mère ne lui a rien laissé dans son testament. Elle n’appuyait pas son patinage. Aux Championnats du monde de 1974 à Munich, Toller l’a fait chasser de la patinoire. Son père, un quart-arrière de football, était selon Toller un homme bienveillant avec qui il n’a jamais eu de lien. Son père a dit un jour qu’il était extrêmement fier de son fils, mais Toller ne l’a jamais laissé se rapprocher de lui. « Il a toujours été comme ça », a signalé Monty Cranston. « Seul, à faire sa propre affaire. »

L’une des croix les plus difficiles à porter, a avoué Toller, a été son incapacité de remporter une médaille d’or olympique en 1976. Il a été médaillé de bronze. Il dira plus tard que cet échec a largement dicté son « désir d’être accepté et reconnu » et a mené à « des comportements personnels exagérés et une désastreuse consommation ostentatoire », a-t-il affirmé.

Son style original de patinage n’a pas toujours accepté par l’établissement. (Quand il a gagné son titre canadien junior à l’âge de 14 ans, son classement variait de 1er à 22e, a-t-il dit.) Ses œuvres d’art n’étaient non plus acceptées. Certains ont décrit l’art canadien comme un « art froid d’un peuple froid ». Mais, le travail de Toller regorgeait de couleurs chaudes, de formes arabesques et de personnages exotiques de la Route de la soie. Il était tout à fait un étranger. Peut-être son art fantaisiste n’était pas pris au sérieux. Pour Toller, c’était très sérieux, une expression de sa vision intérieure.

« Avez-vous des tableaux de Toller Cranston dans votre galerie? », a-t-on demandé à Maia-Mari Sutnik, une conservatrice au Musée des beaux-arts de l’Ontario, après le décès de Toller. « Non, » a-t-elle répondu rapidement. « Ces œuvres ne concordent pas avec aucune de nos collections. Il s’agit plutôt d’un art décoratif. Puis, il a quitté le pays. Il ne faisait pas partie de la communauté. Si vous avez une œuvre de Toller Cranston, gardez-la et profitez-en. »

Au mois de juin 2011, Toller a reçu un doctorat honorifique en droit de l’Université Carleton, où il a prononcé une allocution à la collation des grades. « C’est important pour moi », a-t-il dit aux étudiants vêtus de toges. « C’est la première fois qu’on me donne une petite tape sur l’épaule. »

Ron Shaver, un contemporain de Toller, qui l’a poussé au maximum aux Championnats canadiens, connaissait le patineur-artiste depuis l’âge de six ans. « Je ne pense pas qu’il n’ait jamais établi de liens étroits avec quiconque », a déclaré Ron. « Il ne laisse personne apprendre à la connaître. »

Ron a fondu en larmes lorsqu’il a entendu la nouvelle du décès de Toller.

Toller était reconnu pour sa consommation ostentatoire, tellement endémique qu’à l’âge de 40 ans, il a vendu le contenu entier de sa maison de Toronto durant une vente aux enchères de Waddington’s à Toronto, dans l’espoir de mettre fin à ses prodigieuses collections et se payer une nouvelle résidence au Mexique. Mais, au Mexique, il a fini par continuer au même rythme. « Ceci signifie habituellement qu’il manque quelque chose dans votre vie », a déclaré l’un de ses meilleurs amis, Thom Hayim. « Quand il fait d’extravagantes dépenses, je sais qu’il ne se sent pas à la hauteur. »

D’autres amis proches reconnaissent qu’il était un homme solitaire. « Il a vécu seul, une vie très indépendante », a déclaré Clive Caldwell, qui connaissait Toller depuis près de 44 ans. « Mais, il n’était jamais seul. Il était plein de vie. Il n’était pas le gars assis dans un coin, s’apitoyant sur lui-même et triste parce qu’il était seul. Il était résolu et déterminé à conquérir le monde et il essayait de le faire chaque jour. »

Clive n’a jamais ressenti que Toller manquait de quoi que ce soit ou qu’il voulait plus. Il était un peintre très motivé et détestait les distractions. Sa solitude était nécessaire pour créer.

« Il avait toujours l’habitude de me poser des questions comme : « Qu’est-ce que c’est que d’avoir un partenaire? », a fait remarquer John Rait, un danseur sur glace qui connaissait Toller depuis qu’il avait 16 ans. « Il ne comprenait pas comment vivaient les gens normaux et comment ces relations fonctionnaient. Il ne manquait jamais de demander : « Eh bien, que se passe-t-il ensuite et comment est-ce que ceci fonctionne? Ou comment te sens-tu quand cela se produit? » Il s’intéressait à la façon dont les autres gens vivaient, mais je pense que son genre d’existence était tellement rare. »

Partout où allait Toller, les gens suivaient. Il était toujours entouré de gens. Certains de ses amis disaient que c’était « un cirque ».

« Et, tout le monde voulait quelque chose de lui », a déclaré John. « Tout le monde était là pour prendre et très peu de gens étaient là pour donner. Voilà les gens qui sont restés avec Toller au fil des décennies : les donneurs. Les preneurs sont venus et repartis plusieurs fois. « Et, il y en a toujours de nouveaux. »

Vers la fin de sa vie, cependant, Toller parvenait à contenir le « cirque » et beaucoup de gens dans sa vie étaient des donneurs, généralement préoccupés par son bien-être. Certains l’aidaient à régler des questions financières. Tout allait bien pour lui, il était en paix, plus calme qu’il ne l’avait jamais été. Il a commencé à peindre dans des tons pastel, plutôt que les fulgurants rouges et bleus. L’avenir semblait brillant.

Son décès a stupéfié son entraîneure de longue date, Ellen Burka. « Je pense que maintenant il est en paix », dit-elle. « Je crois qu’à présent, au moins, il peut sourire. Il a vécu ses dernières années dans un magnifique environnement. »

Des entraîneurs légendaires se préparent à partager leur sagesse à Winnipeg

La Conférence nationale des entraîneurs (CNE) qui aura lieu du 27 au 30 mai, à Winnipeg, à l’intention des entraîneurs et des officiels, offrira un aperçu de la façon dont les Canadiens prennent les devants en ce qui concerne toutes les questions pressantes liées au patinage.

Tenue dans le cadre du Congrès annuel et assemblée générale (CAAG) de Patinage Canada, la CNE aura comme thème « Partenaires du progrès » et promet d’offrir une excellente gamme d’ateliers et d’occasions de réseautage social aux participants – entraîneurs et officiels de Patinage Canada ainsi qu’entraîneurs internationaux. Compte tenu de la modification des règlements administratifs de Patinage Canada, les entraîneurs certifiés du PNCE de Patinage Canada deviendront des membres de l’association ayant plein droit de vote pour la première fois, ce qui souligne l’importance de la voix des entraîneurs.

« Patinage Canada travaille vraiment à l’entraînement et je pense que c’est tellement essentiel », a déclaré Tracy Wilson, qui doit présenter deux ateliers sur les habiletés de patinage à la Conférence. « Il s’agit d’une telle ressource et nous partageons des renseignements parce que nous avons tous nos domaines d’expertise et quand nous nous réunissons et échangeons, nous en profitons tous. »

Patinage Canada a déterminé que les partenariats sont le ciment qui lie ensemble tous ses impératifs stratégiques jusqu’en 2018. Un de ces partenariats est avec Hockey Canada, pour apporter la joie du patinage à tous les Canadiens. La conférencière invitée au souper d’ouverture de la CNE est Melody (appelez-la Mel) Davidson, entraîneure de l’équipe féminine de hockey qui a été médaillée d’or aux Jeux olympiques de 2006 et 2010. Elle est une bâtisseuse dans son sport, qui met à présent beaucoup l’accent sur la vitesse et les habiletés.

En ce qui concerne les partenariats, le CAAG/CNE 2015 mettra aussi en vedette Kaitlyn Weaver et Andrew Poje et la médaillée d’or de l’équipe féminine de hockey olympique, Meaghan Mikkelson, qui a aussi fait équipe avec sa coéquipière de hockey Natalie Spooner, remportant sept étapes de la deuxième saison de l’émission The Amazing Race Canada.

Oui, un grand monde s’ouvre au patinage, avec son système d’habiletés bien organisé, en particulier avec le nouveau programme Patinage Plus, qui initie au patinage les jeunes qui deviendront des patineurs de vitesse ou des joueurs de hockey ou de ringuette ou les adultes qui patinent pour l’amour du sport.

Durant la Conférence, Tracy Wilson expliquera plusieurs des exercices qu’elle a utilisés et créés au fil des ans, en commençant par son travail comme médaillée olympique en danse sur glace avec Rob McCall, son travail avec les joueurs de hockey et, enfin, avec les patineurs internationaux tels que les champions olympiques, Xue Shen et Hongbo Zhao, Yu Na Kim et Yuzuru Hanyu ainsi que le champion européen Javier Fernandez. L’entraîneur Brian Orser et elle ont tous deux « déterminé ce qui fonctionne pour aider différents patineurs », a-t-elle dit. Son premier atelier portera sur les habiletés et les exercices de base (« c’est ce que tout le monde connaît, mais sous un angle nouveau », a-t-elle ajouté) et le prochain atelier traite de la façon de les développer.

La Conférence offre d’autres merveilleux ateliers : le psychologue du sport renommé de Winnipeg, Cal Botterill, Ph. D., traitera de la façon de prévenir l’épuisement et la récupération insuffisante chez les entraîneurs et les athlètes, les têtes d’affiche du sport Sally Rehorick, le Dr Jane Moran et Monica Lockie se pencheront sur la question brûlante des chaussures et des lames qui posent des problèmes et la juge Karen Howard exposera ce que l’arbitre dit au jury avant un événement (des renseignements que les entraîneurs ne voudront pas manquer!). William Bridel, Ph. D., discutera des sujets brûlants actuels de l’intimidation dans le sport et de la douleur et des blessures d’un point de vue socioculturel, Donna King et Monica Lockie donneront un aperçu du prochain chapitre de l’important programme Patinage Plus avec le nouveau matériel ainsi que les nouvelles ressources et activités et le chorégraphe Mark Pillay présentera des ateliers de sur glace et hors glace sur la musicalité (et pour nous gâter, son élève Liam Firus présentera ses nouveaux programmes pour 2015-2016).

Sally Rehorick et ses amies se sont affairées, dans les coulisses, à mener une enquête informelle de six mois sur les effets des choix de chaussures et de lames sur la performance des patineurs à tous les niveaux et essayeront de proposer les prochaines étapes pour la recherche et l’éducation.

Sally s’est entretenue avec des entraîneurs, médecins, parents, chercheurs, techniciens de patinage, distributeurs, chefs d’équipe et administrateurs à propos du problème. Malheureusement, elle a vu des patineurs au niveau Apprendre à s’entraîner et Apprendre à être compétitif, qui était aux prises avec des chaussures qui « semblaient contrôler le patineur, et non l’inverse ». Le problème est mondial. L’ISU l’a étudié par l’intermédiaire de la présidente de la commission médicale, le Dr Moran, une Canadienne.

Bill Bridel, un ancien employé de Patinage Canada, maintenant professeur dans le département de kinésiologie de l’Université de Calgary, discutera des mesures préventives relativement aux questions d’intimidation, plutôt que des stratégies réactives, et comment les enfants sont exposés à l’intimidation dans le contexte socioculturel plus vaste. Il estime que l’intimidation devient un problème de plus en plus grave en raison des médias sociaux. Il est également impliqué avec un groupe d’intervention à l’Université.

Il décrit aussi une culture qui empêche les patineurs de révéler une blessure, de sorte qu’ils n’obtiennent pas d’aide lorsqu’ils en ont besoin. Encore une fois, la prévention est la clé.

L’allocution de Cal Botterill sera vitale. « La récupération insuffisante est un peu comme une épidémie », soutient-il. « Dans les domaines de haute performance, les gens repoussent tellement les limites, la vie actuelle compte tant de distractions et les gens ne se rétablissent pas de la façon dont ils devraient le faire. »

Au cours des 15 dernières années de la carrière de 40 ans de Cal, la plupart de ses travaux ont visé à aider les gens à se reposer et à retrouver leur santé – et leurs niveaux de performance. La technologie crée une accoutumance, prévient-il. Il croit qu’un pourcentage élevé de personnes souffrent d’épuisement professionnel et ne le savent pas.

L’an dernier, 275 personnes se sont inscrites à la Conférence nationale des entraîneurs, le nombre le plus élevé jusqu’à présent. Et, en passant, des personnes comme la cycliste olympique Tanya Dubnicoff, maintenant entraîneure de cadres, l’entraîneure de patinage synchronisé Shelley Barnett et d’autres personnes comme Manon Perron, Lee Barkell et des membres du Comité de développement des entraîneurs de Patinage Canada, soit Laurene Collin-Knoblauch, Raoul Leblanc, Paul MacIntosh, Pascal Denis, Keegan Murphy, Mary-Liz Wiley, Megan Svistovski, et Chris Stokes impartiront aussi leur sagesse durant les ateliers.

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Forts liens canadiens entre l’équipe Duhamel-Radford et l’équipe Weaver-Poje à l’aube des Championnats du monde

Le destin ou le sort a amené les deux meilleures équipes à mobilité ascendante du Canada pratiquement au même endroit, sur le même parcours, à un tel point que c’est presque inouï.

Jamais des équipes canadiennes n’ont été aussi en phase que les patineurs en couple Meagan Duhamel et Eric Radford et leurs homologues de danse sur glace Kaitlyn Weaver et Andrew Poje.

À chaque tournant cette saison, ces équipes se sont suivies jusqu’aux Championnats du monde ISU de patinage artistique, où toutes deux sont les favorites pour la médaille d’or. Et, un tel exploit serait une première. Bien que des patineurs canadiens aient remporté deux médailles d’or à des Championnats du monde auparavant (Donald Jackson et Maria et Otto Jelinek en 1962, Kurt Browning et Isabelle Brasseur et Lloyd Eisler en 1993 ainsi que Patrick Chan et Tessa Virtue et Scott Moir en 2012), ceci n’est jamais arrivé à deux équipes canadiennes.

À mi-chemin de la saison, les deux équipes ont remarqué la similitude de leurs parcours. « Après le Trophée NHK, que nous avons toutes deux remporté, nous nous sommes regardés et avons dit : « Juste un instant. Nous sommes identiques en ce moment. Nous avons gagné trois sur trois », a signalé Kaitlyn.

L’automne dernier, Meagan et Eric, Kaitlyn et Andrew ont enregistré des victoires aux Internationaux en début de saison, à Barrie, en Ontario et à Obertsdorf, en Allemagne pour se trouver premiers au classement. Par la suite, ils ont participé aux mêmes compétitions. Ils ont été affectés aux mêmes événements du Grand Prix et les ont tous remportés. Puis, les deux équipes ont été médaillées d’or à la finale du Grand Prix (quatre sur quatre), médaillées d’or aux Championnats canadiens (cinq sur cinq), puis à nouveau médaillées d’or aux Championnats des quatre continents (six sur six.). À Shanghai, en Chine, la semaine prochaine, ils viseront leur septième victoire, un chiffre porte-bonheur qui signifie la perfection divine, l’intégralité et l’achèvement.

Ni l’une ni l’autre équipe n’a fait de son mieux aux Jeux olympiques, à Sotchi, en février dernier. Ils se sont rendu compte qu’ils devaient exécuter leurs programmes à leur façon, pour la joie qu’ils leur procurent. Il ne s’agit pas de s’entraîner de manière détendue (« Nous sommes épuisés après chaque séance d’entraînement », a avoué Kaitlyn), mais de supprimer les distractions que représentent les opinions et les résultats.

« Les deux équipes ressentent la même pression », a déclaré Kaitlyn. « Pouvoir partager ce sentiment avec quelqu’un d’autre, non seulement votre partenaire, mais une autre équipe, a été vraiment amusant et instructif. »

« J’ai l’impression de faire ce cheminement avec eux », a signalé Meagan, qui partagera une chambre avec Kaitlyn à Shanghai. « Je crois que nous quatre partageons une énergie très spéciale. »

À Barcelone, Meagan et Kaitlyn ont commencé une tradition ensemble : trouver un cours de yoga quand elles arrivent à un événement. Elles échangent des textes de part et d’autre. Lundi dernier, Kaitlyn a texté Meagan : « Dernier lundi de la saison régulière d’entraînement! »

« Hourra », a répondu Meagan. « Elle s’informe toujours comment vont les choses pour moi. »

Meagan et Kaitlyn se rendent compte qu’elles partagent simultanément les mêmes sentiments, la même difficulté à bien patiner après un voyage, le même décalage horaire, la même aise lorsque les choses sont revenues à la normale. « Chaque fois qu’elle me texte à propos de quelque chose, nous ressentons toutes les deux la même chose ou nos énergies sont identiques », soutient Meagan.

Il en va de même pour Eric et Andrew, qui ont partagé une chambre à Barcelone. « À chaque compétition, je pense qu’il y a un lien et un sentiment qui sont implicites, parce que nous sommes tous les deux dans la même situation », a fait remarquer Eric. « Et c’est réconfortant et bon de savoir dans ces moments intenses de pression, quand vous vous sentez nerveux, que vous avez des coéquipiers qui sont exactement dans le même bateau. Et, ils sont toujours en vie. Ils ont survécu et ils font un travail incroyable. Cela nous donne confiance de savoir que nous nous trouvons dans la même situation que certains de nos meilleurs amis. »

Ce n’est pas comme s’ils étaient forgés des mêmes pièces d’argile. Ils se trouvent dans différentes disciplines : le patinage en couple avec son intrépidité et la danse sur glace avec ses voltes et son émotion. Chacun d’eux a des personnalités nettement différentes.

« Ce qui est bien, c’est de voir comment une autre personne gère la situation », ajoute Kaitlyn. « J’admire vraiment la ténacité de Meagan et j’aime son agressivité quand elle patine. Nous pouvons donc apprendre l’une de l’autre de cette façon. »

Si Kaitlyn et Andrew arrivent à la patinoire après une séance d’entraînement de patinage en couple, ils demandent comment Meagan et Eric ont réussi. Ils diront (tellement de fois cette année) : « Super! ».

« Et vous savez? Nous pouvons aussi avoir de superbes séances d’entraînement », a dit Kaitlyn. « Ils sont très confiants et se soutiennent mutuellement de cette façon. Je pense que nous avons tous des personnalités très différentes, mais nous sommes en mesure de nous rendre compte que nous ressentons tous la même chose. »

Par exemple, à Barcelone les deux équipes voulaient tellement réussir et Meagan avait le trac. Kaitlyn lui a dit qu’ils font le même programme chaque fois, les mêmes quadruples sauts, les mêmes voltes, les mêmes levées. Rien ne change d’une compétition à l’autre. « Nous y tenons vraiment tous deux », a déclaré Kaitlyn. « Nous avons ce petit rappel pour l’autre chaque fois que nous allons sur la glace. » Les deux équipes ont remporté la médaille d’or à la finale du Grand Prix – de façon très décisive.

Et que se passerait-il si les deux équipes gagnaient à Shanghai? La pensée donne à Kaitlyn la chair de poule sur son bras brillant.

« Ce serait manifestement prodigieux », a affirmé Andrew. « Ce serait un message tellement puissant pour le Canada que de pouvoir compter ces deux équipes championnes. Nous devons faire notre travail et nous assurer de faire tout notre possible.

« Mais c’est une merveilleuse pensée que d’être en mesure de partager les mêmes souvenirs, au même moment avec eux, provenant du même pays et d’entendre le même hymne. Ce serait sensationnel. »

Kaitlyn dit qu’elle manque rarement de regarder Meagan et Eric patiner, du moins pour le programme long. Elle pense qu’elle les a vus cinq sur six fois, peut-être même toutes. « Je suis très fière de voir leur croissance et les progrès incroyables qu’ils ont faits comme équipe, surtout depuis aussi longtemps, ce qui est magnifique », a-t-elle soutenu.

Et que se passerait-il si les deux équipes enregistraient une incroyable double victoire, soit deux médailles d’or pour les deux équipes?

« Cela voudrait dire beaucoup de champagne pour l’équipe canadienne », s’est exclamée Kaitlyn.

Historique du patinage synchronisé

En comparaison des autres disciplines du patinage, qui existent depuis près de 150 ans, le patinage synchronisé est la « petite dernière ».

D’un point de vue historique, dès 1838, on fait référence à ce qu’on appelait en Angleterre le « patinage artistique combiné », pratiqué à l’Oxford Skating Society, mais par la suite on ne retrouve plus aucune mention de patinage organisé en groupe. Plus d’un siècle s’écoulerait jusqu’à ce que, dans les années 50, à Ann Arbor, dans le Michigan, le sport commence à s’implanter comme activité officielle de patinage en Amérique du Nord.

On l’appelait « patinage de précision ».

Les Supremes. 2003.L’activité a commencé, assez innocemment, comme passe-temps amusant permettant aux athlètes plus axés sur le patinage récréatif de concentrer leurs efforts sur le patinage en équipe, les groupes de patineurs exécutant des mouvements à l’unisson sur la glace. Au début, ces performances étaient pleines de mouvements mignons… tapage de pieds, battements de mains et claques sur les hanches… se prêtant mieux à des spectacles éblouissants qu’à du patinage de qualité.

Mais tout cela était sur le point de changer. Lorsque les experts ont commencé à reconnaître le potentiel de ce nouveau sport, afin promouvoir un bon patinage sous une forme nouvelle et différente, le patinage de précision a suscité une attention bien méritée.

Jusqu’à ce moment, en dehors des tests jusqu’au niveau or, très peu de possibilités s’offraient aux concurrents non traditionnels, aucun milieu de compétition ne permettant de perfectionner les habiletés qui aident à promouvoir l’établissement d’objectifs, la persévérance, la créativité et le talent artistique. Pour de nombreux participants qui n’étaient pas dans le volet de compétition élite, le patinage ne menait à rien. Avec le patinage de précision, de nouvelles occasions d’avancer s’offraient tout à coup, redonnant vie au sport et accueillant un tout nouveau groupe de personnes, y compris des athlètes, des entraîneurs, des officiels et des bénévoles.

Durant les années 60, la popularité du sport s’est accrue au Canada et aux États-Unis, avec des compétitions et de nouvelles idées. C’était une période excitante de croissance et de développement rapide. Les équipes repoussaient les limites du patinage de précision en exécutant des programmes plus créatifs et novateurs. Progressivement, l’accent sur le type de contenu chorégraphique a aussi changé, déterminant et supprimant les clichés en faveur de l’ajout de mouvements difficiles et d’habiletés… autrement dit… dans le but d’améliorer la qualité du patinage.

Synchronized Skaters Podium.

Enfin en 1977, l’Ilderton Winter Club dans l’ouest de l’Ontario a accueilli la première compétition canadienne sur invitation de patinage de précision et, en 1983, tout près à London, les premiers Championnats nationaux de patinage de précision sanctionnés ont eu lieu. En tout, 60 équipes étaient inscrites à la compétition… 22 équipes se sont rendues à la finale. Un an plus tard, les États-Unis ont emboîté le pas au Canada et établi leurs propres championnats nationaux de patinage de précision.

À la fin des années 80, le Canada dominait sur la scène internationale, balayant le podium dans la catégorie senior, à la première compétition internationale de précision en Suède. Avec un succès aussi remarquable et l’attention internationale qui en a découlé, de plus en plus de patineurs enthousiastes souhaitaient se joindre au mouvement florissant du patinage de précision.

Black Ice. Synchronized skating team. 2000.Le patinage de précision commençait à faire fureur! Par conséquent, les pays devaient se hâter d’accroître les adhésions, d’établir plus de catégories pour diversifier la participation et convenir de règles clairement définies et de normes de compétition.

Malgré la croissance au Canada et aux États-Unis, il a fallu une autre décennie avant que l’Union internationale de patinage (ISU) ne reconnaisse le patinage de précision comme une discipline officielle du patinage artistique et, jusqu’à 1994, pour sanctionner les compétitions internationales. Ici au pays, en 1995, le Canada a accueilli son tout premier championnat international ISU de patinage de précision, les Internationaux de patinage de précision, à Toronto.

Peut-être le changement le plus important est survenu hors glace, quelques années plus tard, en 1998, quand le sport a officiellement changé son nom pour « patinage synchronisé », afin d’adopter une terminologie mieux comprise à l’échelon international. Ensuite, la croissance a été tellement rapide dans le monde entier que seulement deux ans plus tard, en 2000, aux premiers Championnats du monde ISU de patinage synchronisé officiels, tenus à Minneapolis, Minnesota, on comptait 21 équipes de 17 pays. L’équipe canadienne, black ice, est entrée dans l’histoire en remportant la médaille d’argent.

Nexxice. 2007.Depuis lors, les équipes canadiennes ont gravi dix fois les marches du podium, y compris en 2009 lorsque le Canada a atteint un autre jalon. Après plusieurs années de classement en troisième place, le Canada a finalement été médaillé d’or. L’équipe NEXXICE, du Club de patinage Burlington dans l’ouest de l’Ontario, entraînée par Shelley Simonton Barnett et Anne Schelter, a remporté la toute première médaille d’or du Canada, la seule médaille d’or que le Canada a gagnée à ce jour contre les pays nordiques actuellement dominants.

Aux Championnats du monde de cette année, les 10 et 11 avril, au FirstOntario Centre, à Hamilton… et avec l’avantage d’être à domicile… NEXXICE portera de nouveau la bannière du Canada en compétition, avec Les Suprêmes du CPA Saint-Léonard, au Québec.

Les deux équipes ont mérité cet honneur après avoir participé récemment aux Championnats de patinage synchronisé de Patinage Canada, à Québec, où NEXXICE a remporté un nombre sans précédent de neuf titres seniors consécutifs. NEXXICE et Les Suprêmes sont considérées comme des modèles de rôle pour les 800 autres patineurs des quarante meilleures équipes du pays concourant aux Championnats nationaux.

Rien d’étonnant, pour avoir ce genre de succès national et international, le patinage synchronisé est profondément ancré au Canada.

Cette année, 6 500 patineurs de 467 équipes étaient inscrits à tous les niveaux d’expertise au pays. Des débutants aux experts, pour le plaisir ou pour les médailles, patinant au pays ou à l’étranger, la participation au patinage synchronisé représente une bonne nouvelle pour tous! Il peut être aussi enjoué ou aussi compétitif que la motivation de chaque patineur.

Alors que les équipes de partout au monde cherchent à continuer à accroître le niveau du patinage pour parvenir à des normes étonnamment très élevées, tandis que plus de pays et de patineurs s’engagent, le sport approche un autre tournant décisif.

Le rêve de concourir aux Jeux olympiques pourrait être à l’horizon.

Baiser irlandais : un programme celtique émouvant de l’équipe de patinage synchronisé Nova rend hommage à une chef d’équipe bien-aimée


Juste avant le début de la musique, Nadine Tougas lève les yeux au ciel et envoie un baiser vers le firmament.

Ceci est devenu le mouvement chorégraphié caractéristique de la saison pour l’équipe de patinage synchronisé Nova, de la catégorie ouverte. Ce baiser, ce baiser irlandais sentimental, s’adresse à Linda McGirr.

« Chaque fois que nous l’avons fait, dans tous les programmes, c’était en souvenir de Linda », déclare la capitaine de l’équipe, Nadine Tougas.

« C’est pour elle. »

Il s’agit du plus long adieu au cours de cette saison des plus émouvantes de l’équipe québécoise Nova, un hommage durable à leur chef d’équipe de longue date, qui est décédée si soudainement, il y a un an.

Personne n’avait aucune idée. Quelques heures après que Nova soit rentrée après les Championnats de patinage synchronisé 2014 de Patinage Canada, en Colombie-Britannique, avec un quatrième titre consécutif dans la catégorie ouverte, Linda, professeure bien-aimée qui avait consacré ses temps libres à Nova depuis plus d’une décennie, a dit à sa famille qu’elle se sentait inhabituellement fatiguée.

« Durant les compétitions, elle était toujours la dernière couchée et la première levée, elle faisait toujours quelque chose pour l’équipe », signale Marie-France Sirois, entraîneure et chorégraphe de l’équipe. « C’était simplement qui elle était. Nous avons pensé que c’était la raison pour laquelle elle était fatiguée. Nous n’avons jamais cru que ce serait autre chose. »

Linda est allée voir le médecin pour ce qu’elle pensait être un examen de routine.

Plutôt, elle a appris la nouvelle dévastatrice qu’on lui avait diagnostiqué un cancer du foie de stade 4 et qu’il ne lui restait que peu de temps.

Linda McGirr n’est jamais retournée chez elle. Elle s’est plutôt rendue directement à l’hôpital. Un mois plus tard, elle était décédée, seulement âgée de 51 ans.

Linda McGirr

« La dernière chose qu’elle a faite dans sa vie était pour cette équipe », ajoute Marie-France. « C’est combien elle nous aimait. C’est combien elle aimait cette équipe. »

« Nous n’avons même pas eu la chance de lui dire au revoir. Nous pensions honnêtement que nous avions encore beaucoup de temps avec elle… »

Linda semblait avoir un profond effet sur tous ceux qu’elle rencontrait, que ce soit ses élèves au Champlain College Saint-Lambert, où elle a enseigné pendant plus de 30 ans, ou ses familles de patinage au CPA Brossard et au Club de patinage synchronisé Nova. Même après que sa fille, Caroline, cesse de patiner avec Nova, il y a quelques années, Linda a resserré ses liens avec l’équipe.

Durant ses derniers jours, Linda a été réconfortée par la musique celtique, qu’elle avait écoutée toute sa vie. Sa lutte a été brève, mais courageuse.

Puis, elle est disparue.

À ses funérailles, on a joué plusieurs des chansons irlandaises préférées de Linda, dont Danny Boy. Alors qu’elle luttait pour retenir ses larmes, Marie-France s’est trouvée fascinée par la musique.

« C’était une journée tellement triste, mais cette musique… », dit Marie-France, à propos des funérailles, avant de faire une pause.

« Une musique magnifique pour une magnifique personne. Ce fut à ce moment que j’ai décidé que nous allions l’honorer avec notre programme. »

Sans avoir la chance de faire un dernier adieu à Linda, Nova a créé son propre au revoir, comme l’équipe le voulait, avec sa musique, son programme et durant sa saison.

Marie-France, cherchant à trouver cet équilibre parfait pour leur programme de quatre minutes, a commencé à écouter de la musique irlandaise, jour et nuit. Une fois qu’elle a sélectionné les chansons, elle a contacté Hugo Chouinard, renommé dans le milieu du patinage pour sa maîtrise de la conception de musique, afin de créer un pot-pourri qui commence par une émouvante interprétation celtique d’Amazing Grace et se termine par un numéro de Riverdance qui fait taper du pied.

Après le montage de la musique, Marie-France s’est tournée vers la célèbre modéliste québécoise, Josiane Lamond, pour la confection des tenues d’inspiration celtique de l’équipe. Elle a également eu recours au danseur irlandais montréalais, Martin Côté, qui s’est produit dans le monde entier, pour travailler avec son équipe.

Le produit final était une œuvre exquise de quatre minutes, qui a amorcé un hommage d’un an, se terminant par le cinquième titre national consécutif de Nova dans la catégorie ouverte aux championnats tenus, il y a deux semaines, à Québec.

« C’était très émouvant et les gens nous ont dit que nous avions pu transmettre l’émotion de ce programme », ajoute Nadine Tougas. « Je n’oublierai jamais ce moment. »

« Linda nous a inspirés jusqu’à la fin », admet Nadine. « Chaque fois que nous avons exécutée le programme, nous lui avons fait savoir : ceci est pour toi, bon spectacle! »

Baiser irlandais l’équipe de patinage synchronisé Nova

« Elle aimait célébrer la Saint-Patrick et aimait tout ce qui était irlandais », a soutenu Marie-France, ajoutant qu’elle était toujours inspirée par le célèbre programme Riverdance de Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz. « Son sens de l’humour l’a aidé à devenir la personne qu’elle était. Elle nous faisait toujours rire.

« Je souhaite seulement que nous ayons fait ce programme lorsqu’elle était encore là avec nous. »

« Ce fut très émouvant, mais nous voulons que les gens se souviennent d’elle, parlent d’elle et sachent ce qu’elle signifiait pour nous », poursuit Marie-France. « Je dis toujours aux patineuses de patiner pour elles-mêmes, pas pour leurs parents, pas pour moi, mais pour elles‑mêmes. »

« Cette saison, c’était différent. Il manquait quelque chose. Elles patinaient aussi pour quelqu’un d’autre. »

Dans la ville de Québec, pour les championnats nationaux, leur premier sans Linda, Nova a collé une photo de leur chef d’équipe bien-aimée sur chacune des portes des chambres d’hôtel de l’équipe.

Le dernier jour d’entraînement, alors que Nova faisait sa dernière répétition sur sa plus grande scène de la saison, un oiseau a plané, seul dans la patinoire, décrivant des cercles, haut au-dessus de la glace, pendant quelques minutes.

Le moment n’a pas échappé à qui que ce soit.

« Quelqu’un a dit « c’est elle. Elle est là » », fait remarquer Marie‑France.

« C’était presque comme un signe qu’elle était encore avec nous. »

Certaines choses ne devraient tout simplement pas changer.

Cinquante ans plus tard : Petra Burka, championne du monde de 1965

On ne dirait pas que 50 ans se sont écoulés, affirme Petra Burka, championne du monde de 1965, à propos de sa réussite mémorable, il y a presque une éternité. Quelqu’un lui a envoyé des fleurs et de bons vœux. Une célébration a lieu à Toronto aujourd’hui. Les années ont filé très rapidement. Pourtant, Petra a toujours l’air jeune. « Je pense que parce que je travaille beaucoup avec des enfants, je ne me sens pas vieille », dit-elle, exerçant toujours les fonctions de chef d’équipe et d’entraîneure.

Elle se souvient peu du jour de sa superbe victoire, il y a 50 ans. Mais elle se souvient qu’elle et sa mère, l’entraîneure Ellen Burka, se sont regardées lorsqu’elles ont entendu que Petra avait gagné. « Je pense qu’elle était plus heureuse que moi », a soutenu Petra. « J’étais sous le choc. » Elle avait remporté les figures et le style libre haut la main.

D’une certaine façon, sa capacité innée d’exécuter des sauts lui a coûté. Elle avait acquis cette habileté à un moment où les patineurs n’avaient pas le genre de soutien qui est offert aujourd’hui. L’an dernier, elle s’est fait remplacer une hanche. L’impact sur sa jambe, pendant qu’elle travaillait les doubles et triples sauts, a eu un effet néfaste. « C’est caractéristique du patinage », dit-elle. « Je pense que vous trouverez un grand nombre de patineurs, de danseurs et d’athlètes qui ont besoin de remplacements de hanches. C’était mon pied de réception. Maintenant, des programmes sophistiqués vous permettent d’échauffer votre corps afin de ne pas vous blesser. »

À l’époque de Petra, il y n’avait aucune science ou assistance. À ce moment, les patineurs ne faisaient pas de travail hors glace. Elle partait de l’école pour se rendre à la patinoire, chaussait ses patins et exécutait ses sauts. Chose étrange, Petra n’a jamais subi des blessures pendant qu’elle concourait. Et, à l’instar de bien d’autres choses dans sa vie, il n’a pas été facile pour elle de se remettre de la chirurgie de sa hanche. L’appartement dans lequel elle vit, dans une maison aux couleurs d’orchidée conçue par sœur architecte Astra, l’oblige à gravir 45 marches jusqu’à son logement ensoleillé.

Petra a été la première patineuse de niveau international d’Ellen et ensemble elles ont appris les rouages du métier. Pour sa mère, maintenant âgée de 93 ans (elle a toujours son permis de conduire), beaucoup d’autres patineurs ont suivi. Ellen Burka a enseigné à des patineurs qui ont participé à sept Jeux olympiques et remporté 48 médailles internationales. Petra a ouvert la voie, s’entraînant souvent seule, tandis que sa mère célibataire travaillait pour les faire vivre. Il y a cinquante ans, les patineurs n’obtenaient aucun financement pour s’entraîner et leur capacité de gagner de l’argent était restreinte. La règle à l’époque était que si les patineurs gagnaient plus de 25 $ en une saison, ils seraient bannis des rangs amateurs pour de bon.

« Après les Championnats du monde, nous participions à des spectacles partout en Europe et en Amérique du Nord, sans aucune rémunération », a signalé dit Petra. Bien que le voyage de Petra pour se rendre à ses premiers championnats du monde à Prague, en 1962, ait été payé par l’association de patinage, Ellen a dû acheter son propre billet. Pendant son absence, elle perdait les revenus des leçons manquées. Au premier championnat canadien de Petra à Regina, elle et sa mère ont dégusté leur propre déjeuner des champions – une boîte de fèves sur une assiette de salle à manger de l’hôtel – parce que sa mère ne pouvait se permettre les biftecks. N’oubliez pas que les femmes n’avaient pas le droit de faire de demande de carte de crédit à l’époque.

À ce moment, les patineurs n’avaient pas le luxe d’aller à une école de sports qui tenait compte des exigences de l’horaire d’un athlète. Petra se rendait à la patinoire pour 6 h et faisait quatre heures de figures et deux heures de patinage libre par jour et ratait sa première période de classe à l’école. Entre janvier et mars, elle allait rarement à l’école à cause de ses voyages. L’école exigeait que Petra subisse néanmoins ses examens et elle devait étudier hâtivement pour se rattraper. Heureusement, elle a une mémoire photographique qui lui permettait de retenir l’information. L’année qu’elle a remporté les Championnats du monde, elle a obtenu 49 sur 50 à un examen sur la santé, mais zéro pour l’élément d’éducation physique du cours – parce qu’elle n’était jamais là.

Il n’a pas fallu longtemps pour que les Russes remarquent la capacité supérieure de sauts de Petra à ses premiers championnats du monde, en 1962. Lors d’une tournée qui a suivi, elle a reçu un télégramme de la Fédération de Russie, demandant si elle et sa mère pouvaient aller à Moscou pour présenter des séminaires de patinage. « Ils voulaient savoir comment ma mère avait enseigné à « cette fille qui pouvait faire les sauts » », a dit Petra. « Quel est le secret? »

À Prague, les Russes avaient pris leurs passeports. Ellen était tout naturellement nerveuse, sans aucun document en main dans un pays communiste. Enfin, elles sont montées dans un avion-cargo sans sièges pour se rendre à Moscou. Ellen s’est calmé les nerfs en buvant de la vodka. « Je me souviens que l’avion ait volé très bas et largué du courrier ou autre, puis poursuivi son parcours », a fait remarquer Petra.

Après sa carrière amateur, Petra a participé pendant trois ans à la tournée de Holiday on Ice, les deux dernières années en Europe. C’était un choc culturel pour Petra, habituée à s’entraîner, ne jamais sortir, ratant son bal des finissants. Ils ont aussi présenté des spectacles à guichets fermés pendant un mois à Paris et Amsterdam. Imaginez un peu, près d’une patinoire à Paris, il y avait 10 caravanes, où habitaient les participants et l’équipe du spectacle avec leurs conjointes et leurs chiens. Petra aurait pu y passer deux autres années, mais elle a décidé qu’elle ne voulait pas vivre une vie interminable de carnaval avec « tous ces gitans qui restent à jamais ».

Petra s’hébergeait surtout dans des hôtels moins chers en Europe (les patineurs payaient pour leur hébergement) parce que c’est là où se trouvaient ses amis. Un soir, elle a été prise au dépourvu. Pendant qu’elle faisait le trajet de la France à l’Espagne, Petra s’est arrêtée pour regarder Neil Armstrong mettre le pied sur la Lune en 1969, sur un tout petit écran de télévision quelque part en campagne. Quand Petra est enfin arrivée à Madrid, le soleil se levait sur la ville et sa chambre avait été prise. C’est la seule fois où elle s’est hébergée dans un hôtel cinq étoiles au cours de sa carrière.

Elle est retournée à Toronto avec une armoire de vêtements haute couture et une Mercedes 250 SL, qui n’a pas fait long feu, et s’est retrouvée au milieu d’un autre choc culturel. Pendant son absence, les hippies s’étaient multipliés et portaient tous des robes vaporeuses et des fleurs dans leurs cheveux. « Nous étions des yuppies avant même qu’ils n’existent », a soutenu Petra. Elle a dû s’adapter au monde réel. « Il m’a fallu 40 ans pour m’en remettre », dit-elle en riant.

Avec l’argent qu’elle avait gagné durant les tournées, elle a acheté un réfrigérateur à sa mère. « Je veux m’assurer de que ma mère soit reconnue », dit Petra. « Elle a eu une vie assez difficile. Elle devait faire le trajet entre trois clubs pour gagner sa vie. Ma mère a joué un rôle-clé dans mon succès. C’est grâce à elle que je suis devenue une championne. »

« Je suis heureux de faire de mon mieux » : les athlètes olympiques spéciaux incarnent l’esprit et la passion du sport

Frères en quelque sorte, Matthew Lai est blotti à côté d’Eric Pahima, son coéquipier de C.-B. aux Jeux olympiques spéciaux, sur le banc du lieu réservé aux étreintes et aux larmes, à ces Jeux d’hiver du Canada, regardant discrètement les deux roses qui se trouvent dans la main droite de son ami.

Avec un peu de tristesse dans sa voix, presque inaudible, Matthew se penche vers lui et dit : « Je n’ai pas eu de fleurs. »

Sans pause, immédiatement après avoir entendu ces paroles, Eric prend une fleur et la tend à son ami.

« Tu peux en avoir une des miennes. »

Figure skater.

Instantanément, les deux visages s’illuminent d’un grand sourire. Ils s’étreignent. Autour d’eux, ceux qui sont témoins de cet acte spontané de gentillesse se regardent l’un l’autre comme pour dire « je vous défie de ne pas pleurer ».

Il n’y a guère de doute et on ne pourrait nier que ces athlètes olympiques spéciaux représentent le véritable esprit de ces Jeux d’hiver du Canada.

Il va sans dire que le patinage artistique, de par sa nature, est un sport plein d’émotions. Les sourires et les larmes, les rires et les câlins résident dans son âme.

Mais, ces concurrents ont tous le sourire aux lèvres et nous montrent ainsi pourquoi nous aimons le sport, pourquoi nous les acclamons et les applaudissons. Non seulement pour les médailles remportées, mais pour avoir osé rêver, être témoins de triomphes personnels et de persévérance.

Les larmes? C’était pour tous les autres dans l’édifice.

Figure Skater.

Credit: Dyanne Dimassimo

« Voilà en quoi consiste le sport – des athlètes qui font de leur mieux », a déclaré Brittany Baril, entraîneure de l’équipe de Terre-Neuve-et-Labrador pour les Jeux olympiques spéciaux. « C’est ce que nous montrent ces athlètes. Ne ménager aucun effort et faire de son mieux. Rien d’autre n’importe vraiment. »

« Il arrive de temps à autre à chacun de nous de perdre notre passion en cours de route. Ces athlètes nous rappellent combien il est important de garder cette passion. Ils l’ont toujours. »

« C’est parfois difficile de se ressaisir », ajoute Brittany. Sa voix commence à trembler et elle doit prendre une respiration.

« C’est un lien unique que nous partageons et c’est très gratifiant », ajoute-t-elle après une pause. « À titre d’entraîneur, on veut simplement enseigner l’amour de patinage et donner quelque chose en retour. C’est de ça qu’il s’agit. L’amour de patinage, peu importe le niveau. »

Tout comme Brittany, l’entraîneure en chef de patinage artistique de l’équipe de Colombie-Britannique pour les Jeux olympiques spéciaux, Jessica Chapelski a essuyé sa juste part de larmes durant ces Jeux. « « J’ai perdu le compte de combien de fois j’ai pleuré », admet Jessica. « Je n’essaie même plus de compter. »

« Ces athlètes méritent d’être ici, méritent de faire partie de cette équipe et ceci représente tout pour eux. Ils sont applaudis. Ils se sentent libres. »

Figure Skater.

Credit : Dyanne Dimassimo.

Se trouvant aux côtés de Michael Sumner, un de ses athlètes de l’équipe du Yukon, l’entraîneure Michelle Semaschuk trouve aussi difficile de maîtriser ses émotions. Pendant qu’elle parle, les larmes lui montent aux yeux et elle s’arrête, emportée par l’émotion du moment.

Tel un signal, Michael se penche vers son entraîneure et l’étreint chaleureusement, pour la réconforter.

Il semble que les étreintes sont obligatoires ici.

« Voir cette camaraderie, cette persévérance peut être difficile à gérer », admet Michelle. « On peut constater la passion, l’amour dans leurs yeux. Michael continue à se développer et à devenir ce merveilleux jeune homme, avec le plus grand cœur que vous ne verrez jamais. »

« Ce fut une expérience formidable pour tous nos athlètes », a soutenu Cathy Skinner, de l’équipe de l’Ontario. « C’est incroyable. Voir la foule, même les juges, les applaudir et les acclamer signifie tout pour ces athlètes. Ils sont tous amis. Ils veulent s’asseoir ensemble. C’est juste une expérience de vie que la plupart d’entre eux n’ont jamais eue. Ils n’ont pas de larmes. Ils n’ont que des sourires. S’ils n’ont pas gagné, un de leurs amis a été victorieux. »

« Nous pourrions tous apprendre d’eux. »

« Comme les autres concurrents, Matthew Lai aime se produire et il adore le temps passé au centre de la glace. Suite à ses performances à ces Jeux, il a levé les bras vers le haut en triomphe lorsqu’il a quitté la glace, savourant l’adulation de la foule, à ce moment qui lui appartenait.

Canada Winter Games. Athlete and coach.

« J’aime quand la foule applaudit Matthew et ses éléments », dit-il.

« J’applaudis pour le drapeau de la Colombie-Britannique. Je suis heureux de faire de mon mieux. »

Il s’avère en fin compte que Matthew quittera ces Jeux avec une médaille d’or. La médaille, comme sa note, ne semble pas être importante.

Ce qui compte le plus, c’est qu’il part avec ses amitiés. Ses souvenirs. Et sa fleur.