La communauté du patinage célèbre le talent artistique sur glace et hors glace de Toller

Toller Cranston, champion de patinage, artiste, bon vivant et force de la nature aurait été absolument ravi à la vue d’une chic célébration en son honneur. Entouré de vieux amis, de chocolat et qui mieux est, au Musée des beaux-arts de l’Ontario (MBAO), un endroit où il n’a jamais été capable de pénétrer professionnellement durant sa vie.

Mais, finalement il a réussi, une vaste gamme de ses œuvres étant exposées, du début à la fin de sa carrière, gracieusement prêtées par divers mécènes de son art fantastique (symbolisme mystique, l’aurait‑il jadis appelé) sous l’avant-toit plongeant du musée. Sous de grands écrans, où les performances de patinage de Toller passaient incessamment, se trouvait une longue rangée de ses tableaux, créés avec des traits de pinceau colorés de son monde imaginaire de la route de la soie.

À présent, les pinceaux sont immobiles, mais Toller survivra, si ce n’est dans bien des cœurs, alors par un héritage qu’il chérirait. Par le biais de la Fondation olympique canadienne, une fondation de bienfaisance affiliée au Comité olympique canadien, le nouveau Fonds commémoratif Toller Cranston a été établi. Il a pour but d’aider les personnes de l’acabit de Toller, des patineurs prometteurs. Le fonds aidera les jeunes patineurs à aspirer aux Jeux olympiques et le talent artistique compte.

Ce n’était pas toujours facile pour Toller, à ses débuts, parce qu’il n’avait pas d’aide financière du genre. L’entraîneure Ellen Burka l’a tout d’abord vu en larmes, après qu’il ait terminé en quatrième place aux Championnats canadiens de 1968 et raté l’équipe olympique. Elle s’est sentie poussée à le consoler, lui disant : « ne t’inquiète pas, ton tour viendra ».

Deux semaines plus tard, Toller a appelé Ellen pour lui dire qu’on lui avait dit d’oublier le sport, qu’à l’âge de 18 ans il était trop vieux, mais il adorait patiner et voulait une autre chance de réussir. Est-ce qu’elle voudrait bien l’entraîner?

Ellen lui a répondu qu’elle devait y penser, mais le lendemain, il s’est présenté au Toronto Cricket Skating and Curling Club. « Il faisant un peu d’embonpoint », se souvient-elle, entourée du public au MBAO, alors qu’elle racontait son histoire. « Il n’avait pas l’air trop formidable. » Elle n’était pas impressionnée par les programmes qu’il a exécutés pour elle. « Il était là, à transpirer », dit-elle. « De la vapeur se dégageait de ses cheveux. Je n’ai jamais vu ça auparavant. »

Mais, Ellen lui a expliqué qu’il avait besoin de perdre du poids et d’améliorer sa forme physique en plus de lui révéler qu’elle n’aimait ni son programme ni sa musique. Et, elle lui dit qu’il n’était pas correctement vêtu pour la patinoire. « Il portait une combinaison brune avec une fermeture à glissière d’ici à là », a-t-elle ajouté. « Et une ceinture. Tout débordait. »

Toller a fait demi-tour et est parti. Mais, deux jours plus tard, il était de retour, disant à Ellen : « Je ferai tout ce que vous me dites ».

Il s’est présenté à la patinoire le lendemain matin, à 7 h, mais aussi avec un énorme portfolio de ses œuvres. Ellen n’avait aucune idée qu’il était un artiste. « Elles étaient magnifiques », s’est-elle exclamée. Puis, elle a découvert qu’il avait été expulsé par deux propriétaires, qui n’aimaient pas l’odeur de la térébenthine, et Toller n’avait nulle part où aller. De plus, il n’avait pas mangé.

Ellen lui a dit qu’il pouvait rester chez elle pendant sept jours, jusqu’à ce qu’il trouve un autre endroit. Il est resté pendant sept ans.

À la célébration commémorative se trouvait une foule de figures emblématiques du sport, mais aussi des gens fascinants de la vie de Toller. Ludmila et Oleg Protopopov ont envoyé une note, regrettant de ne pouvoir y assister, mais ont écrit : « Nous aimions Toller, parce que son âme et son esprit étaient proches de nous », ont-ils affirmé. « Toller était un artiste. Nous nous souviendrons toujours de lui. »

Un ami cher de Toller, Ken Taylor, est venu de New York pour être présent à la célébration. Il est reconnu pour son rôle dans l’évasion de six otages américains d’Iran, pendant qu’il était ambassadeur du Canada en Iran, en 1979.

Norman Jewison, réalisateur de films gagnants d’un oscar dont Dans la chaleur de la nuit, Éclair de lune et Un violon sur le toit, était aussi présent. La championne olympique Dorothy Hamill ne pouvait pas rater la célébration, à l’instar de Jo Jo Starbuck, Sandra et Val Bezic, Barb Underhill, Lynn Nightingale, Donald Jackson, Shae-Lynn Bourne, Petra Burka, chorégraphe des étoiles, Sarah Kawahara et Ron Shaver, ennemi de Toller, l’homme qui a rendu difficile pour Toller de gagner son dernier titre canadien et d’ensuite remporter la médaille de bronze olympique en 1976.

Organisant l’entière soirée, la sœur de Toller, Phillippa, était reconnue comme professeure d’université qui donnait si bien un cours de cinématographie que personne ne le sautait jamais. « Toller était mon frère », a-t-elle dit. « J’ai été fière d’appeler Toller mon frère, tous les jours, pendant plus de 65 ans. »

Elle était présente avec son mari Dan Baran, les frères jumeaux Guy et Goldie Cranston et « certains des plus beaux et talentueux neveux et nièces, cousins et cousines qu’on pourrait demander. »

« Je suis le petit frère », a déclaré Goldie, aux yeux bleus perçants, qui a admis n’avoir jamais réussi à dessiner des bonshommes-allumettes et aussi, malheureusement, à faire de la peinture au doigt. (Gus est 10 minutes plus âgé.) « Beaucoup d’entre vous connaissent sans doute personnellement ce que je vais partager avec vous : le défi ou l’inquisition de Toller. »

« Il se délectait à mettre les gens sur la sellette, comme bon lui semblait », a ajouté Goldie. « Il mettait au défi tout nombre de personnes sur un certain nombre de sujets qu’il connaissait très bien : art, patinage, actualités, livres, politique – n’importe quel sujet pour lequel il croyait détenir l’avantage. »

Le défi de Goldie était, ironiquement, l’art. Toller croyait qu’il avait un bon œil. Il emmenait Goldie à toutes sortes de galeries d’art et lui disait : « Qu’est-ce qui est bon. Dis-le-moi immédiatement. »

« Apparemment, j’ai réussi parce que je suis avec vous, ici, aujourd’hui », a fait remarquer Goldie.

« En tant que frères, nous n’étions pas particulièrement proches, comme vous le savez sans doute », a soutenu Guy. « Il n’y avait aucune raison particulière. Nous n’étions seulement pas proches. Nous n’étions pas différents de toute autre famille. »

« Mais, il était un membre de la famille et les familles font ce que les familles font. Elles se réunissent. Et, ainsi nous nous sommes réunis pour nous assurer que son héritage dure très, très longtemps, grâce à votre aide. »

Le meilleur ami de Toller, Haig Oundjian, a pris le devant de la scène, portant une veste rouge familière. Elle avait appartenu à Toller (« il faut toujours porter des couleurs vives », avait-il dit jadis). Toller lui avait donné, avouant ensuite qu’il l’avait acheté pour 10 $ dans un magasin d’aubaines. Toller fréquentait constamment les magasins d’occasions, trouvant des trésors qu’il adaptait ensuite à ses goûts.

Les fêtards ont entendu parler de son penchant en tant qu’hôte généreux et de son manque de connaissance de la technologie et des finances. À 3 h du matin, Haig Oundjian a reçu un appel de Toller, qui s’est exclamé : « Je suis ruiné. Je n’ai plus rien. »

« N’aurais-tu pu juste m’envoyer un courriel? », a répliqué Haig.

« Qu’est-ce que c’est? » a demandé Toller. « Je ne fais pas ces choses‑là. »

Haig dû prendre un vol pour le Mexique. Il a demandé à Toller de lui montrer son processus comptable, qui était de mettre la main au fond d’un vase et de voir ce qui s’y trouvait. « Il y avait des factures d’électricité, des factures de gaz, toutes impayées », a déclaré Haig. « Il n’avait aucune idée de ces choses. Il me disait : « Je suis un artiste! » »

Durant la célébration commémorative, on a également entendu comment Toller négligeait son état de santé et avait besoin de soins dentaires. Il a également souffert d’une hernie, qui est devenue infectée et il n’a rien fait à ce sujet. Le résultat? Il s’est retrouvé à l’hôpital, gravement malade. « Il était à quelques heures de la mort », a déclaré Haig.

Il aimait Monty Python.

Quelques citations de Toller? Ne tolérez pas la médiocrité. Plus on vieillit, mieux c’est de patiner de reculons (mieux pour un front dégarni). Et, le joyau d’Oscar Wilde : « Je n’ai pas toujours raison, mais je n’ai jamais tort. »

Le jour du décès de Toller, Loreen Harper, épouse du premier ministre, a pris le drapeau qui flottait ce jour-là sur la Colline du Parlement, à Ottawa, et elle l’a réservé pour la famille Cranston. Le drapeau se trouvait à la célébration commémorative. Normalement, il y a une attente de 20 ans à la suite d’une demande. Toller aurait été ravi d’avoir sauté la file d’attente.

Le ministre d’État (Sports), Bal Gosal, a présenté le drapeau à une jeune génération de Cranston.

« Il était intrépide, courageux et intransigeant quand il s’agissant de vivre sa vie comme il l’entendait », a déclaré son frère Guy.

Le patinage est une question d’entrées et de sorties, a dit un jour Toller. Il a rendu chacune mémorable. Celle-ci aussi.

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