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Cinquante ans plus tard : Petra Burka, championne du monde de 1965

On ne dirait pas que 50 ans se sont écoulés, affirme Petra Burka, championne du monde de 1965, à propos de sa réussite mémorable, il y a presque une éternité. Quelqu’un lui a envoyé des fleurs et de bons vœux. Une célébration a lieu à Toronto aujourd’hui. Les années ont filé très rapidement. Pourtant, Petra a toujours l’air jeune. « Je pense que parce que je travaille beaucoup avec des enfants, je ne me sens pas vieille », dit-elle, exerçant toujours les fonctions de chef d’équipe et d’entraîneure.

Elle se souvient peu du jour de sa superbe victoire, il y a 50 ans. Mais elle se souvient qu’elle et sa mère, l’entraîneure Ellen Burka, se sont regardées lorsqu’elles ont entendu que Petra avait gagné. « Je pense qu’elle était plus heureuse que moi », a soutenu Petra. « J’étais sous le choc. » Elle avait remporté les figures et le style libre haut la main.

D’une certaine façon, sa capacité innée d’exécuter des sauts lui a coûté. Elle avait acquis cette habileté à un moment où les patineurs n’avaient pas le genre de soutien qui est offert aujourd’hui. L’an dernier, elle s’est fait remplacer une hanche. L’impact sur sa jambe, pendant qu’elle travaillait les doubles et triples sauts, a eu un effet néfaste. « C’est caractéristique du patinage », dit-elle. « Je pense que vous trouverez un grand nombre de patineurs, de danseurs et d’athlètes qui ont besoin de remplacements de hanches. C’était mon pied de réception. Maintenant, des programmes sophistiqués vous permettent d’échauffer votre corps afin de ne pas vous blesser. »

À l’époque de Petra, il y n’avait aucune science ou assistance. À ce moment, les patineurs ne faisaient pas de travail hors glace. Elle partait de l’école pour se rendre à la patinoire, chaussait ses patins et exécutait ses sauts. Chose étrange, Petra n’a jamais subi des blessures pendant qu’elle concourait. Et, à l’instar de bien d’autres choses dans sa vie, il n’a pas été facile pour elle de se remettre de la chirurgie de sa hanche. L’appartement dans lequel elle vit, dans une maison aux couleurs d’orchidée conçue par sœur architecte Astra, l’oblige à gravir 45 marches jusqu’à son logement ensoleillé.

Petra a été la première patineuse de niveau international d’Ellen et ensemble elles ont appris les rouages du métier. Pour sa mère, maintenant âgée de 93 ans (elle a toujours son permis de conduire), beaucoup d’autres patineurs ont suivi. Ellen Burka a enseigné à des patineurs qui ont participé à sept Jeux olympiques et remporté 48 médailles internationales. Petra a ouvert la voie, s’entraînant souvent seule, tandis que sa mère célibataire travaillait pour les faire vivre. Il y a cinquante ans, les patineurs n’obtenaient aucun financement pour s’entraîner et leur capacité de gagner de l’argent était restreinte. La règle à l’époque était que si les patineurs gagnaient plus de 25 $ en une saison, ils seraient bannis des rangs amateurs pour de bon.

« Après les Championnats du monde, nous participions à des spectacles partout en Europe et en Amérique du Nord, sans aucune rémunération », a signalé dit Petra. Bien que le voyage de Petra pour se rendre à ses premiers championnats du monde à Prague, en 1962, ait été payé par l’association de patinage, Ellen a dû acheter son propre billet. Pendant son absence, elle perdait les revenus des leçons manquées. Au premier championnat canadien de Petra à Regina, elle et sa mère ont dégusté leur propre déjeuner des champions – une boîte de fèves sur une assiette de salle à manger de l’hôtel – parce que sa mère ne pouvait se permettre les biftecks. N’oubliez pas que les femmes n’avaient pas le droit de faire de demande de carte de crédit à l’époque.

À ce moment, les patineurs n’avaient pas le luxe d’aller à une école de sports qui tenait compte des exigences de l’horaire d’un athlète. Petra se rendait à la patinoire pour 6 h et faisait quatre heures de figures et deux heures de patinage libre par jour et ratait sa première période de classe à l’école. Entre janvier et mars, elle allait rarement à l’école à cause de ses voyages. L’école exigeait que Petra subisse néanmoins ses examens et elle devait étudier hâtivement pour se rattraper. Heureusement, elle a une mémoire photographique qui lui permettait de retenir l’information. L’année qu’elle a remporté les Championnats du monde, elle a obtenu 49 sur 50 à un examen sur la santé, mais zéro pour l’élément d’éducation physique du cours – parce qu’elle n’était jamais là.

Il n’a pas fallu longtemps pour que les Russes remarquent la capacité supérieure de sauts de Petra à ses premiers championnats du monde, en 1962. Lors d’une tournée qui a suivi, elle a reçu un télégramme de la Fédération de Russie, demandant si elle et sa mère pouvaient aller à Moscou pour présenter des séminaires de patinage. « Ils voulaient savoir comment ma mère avait enseigné à « cette fille qui pouvait faire les sauts » », a dit Petra. « Quel est le secret? »

À Prague, les Russes avaient pris leurs passeports. Ellen était tout naturellement nerveuse, sans aucun document en main dans un pays communiste. Enfin, elles sont montées dans un avion-cargo sans sièges pour se rendre à Moscou. Ellen s’est calmé les nerfs en buvant de la vodka. « Je me souviens que l’avion ait volé très bas et largué du courrier ou autre, puis poursuivi son parcours », a fait remarquer Petra.

Après sa carrière amateur, Petra a participé pendant trois ans à la tournée de Holiday on Ice, les deux dernières années en Europe. C’était un choc culturel pour Petra, habituée à s’entraîner, ne jamais sortir, ratant son bal des finissants. Ils ont aussi présenté des spectacles à guichets fermés pendant un mois à Paris et Amsterdam. Imaginez un peu, près d’une patinoire à Paris, il y avait 10 caravanes, où habitaient les participants et l’équipe du spectacle avec leurs conjointes et leurs chiens. Petra aurait pu y passer deux autres années, mais elle a décidé qu’elle ne voulait pas vivre une vie interminable de carnaval avec « tous ces gitans qui restent à jamais ».

Petra s’hébergeait surtout dans des hôtels moins chers en Europe (les patineurs payaient pour leur hébergement) parce que c’est là où se trouvaient ses amis. Un soir, elle a été prise au dépourvu. Pendant qu’elle faisait le trajet de la France à l’Espagne, Petra s’est arrêtée pour regarder Neil Armstrong mettre le pied sur la Lune en 1969, sur un tout petit écran de télévision quelque part en campagne. Quand Petra est enfin arrivée à Madrid, le soleil se levait sur la ville et sa chambre avait été prise. C’est la seule fois où elle s’est hébergée dans un hôtel cinq étoiles au cours de sa carrière.

Elle est retournée à Toronto avec une armoire de vêtements haute couture et une Mercedes 250 SL, qui n’a pas fait long feu, et s’est retrouvée au milieu d’un autre choc culturel. Pendant son absence, les hippies s’étaient multipliés et portaient tous des robes vaporeuses et des fleurs dans leurs cheveux. « Nous étions des yuppies avant même qu’ils n’existent », a soutenu Petra. Elle a dû s’adapter au monde réel. « Il m’a fallu 40 ans pour m’en remettre », dit-elle en riant.

Avec l’argent qu’elle avait gagné durant les tournées, elle a acheté un réfrigérateur à sa mère. « Je veux m’assurer de que ma mère soit reconnue », dit Petra. « Elle a eu une vie assez difficile. Elle devait faire le trajet entre trois clubs pour gagner sa vie. Ma mère a joué un rôle-clé dans mon succès. C’est grâce à elle que je suis devenue une championne. »