Histoire d’une officielle, héroïne méconnue du patinage artistique

Les officiels du patinage artistique forment un groupe très disparate, souvent incompris et sous estimé.

Ils sont le ciment du sport, mais ils restent assis à leurs places, silencieusement à ce qu’il semble, jugeant ce qu’ils voient, parvenant à tout comprendre, poussant tous les boutons et laissant parler leurs doigts. Que serait une compétition de patinage artistique sans eux?

Ils sont les guides du sport et connaissent les règlements. Ils les communiquent, venant en aide aux patineurs en cours de perfectionnement au moyen de surveillance et prennent part aux moments d’excellentes performances de patinage.

Bénévoles non rémunérés, ils utilisent leur temps de vacances pour offrir leurs services, faisant même partie de comités pour faire avancer le sport. Certains, comme la juge olympique Karen Howard, une enseignante de Regina, en Saskatchewan, affirme que de ne pas être rémunérée ne la dérange pas. Mais, elle va plus loin. Elle a conclu une entente avec son conseil scolaire local pour céder 10 % de son salaire en échange de 20 journées supplémentaires par année, réservées à ses fonctions de juge. Elle a raté certains matchs cruciaux de basketball de ses filles. Il est utile d’avoir une famille qui vous soutient.

C’est un prix qu’ils sont prêts à payer. Le juge André-Marc Allain affirme que ce n’est pas un sacrifice. Directeur du marketing et des communications d’un ministère du gouvernement fédéral, il estime que sa carrière de juge est un investissement dans la poursuite de sa carrière.

En ce qui concerne les officiels de patinage, un thème commun revient constamment : le bénévolat est motivant. Lorsque André-Marc a mis fin à sa carrière de patinage à Moncton, N. B., à l’âge de 16, il a estimé qu’il était de son devoir de rendre à sa communauté. Et, il avait une mentore, Géraldine Léger, première juge de trois tests or au Nouveau Brunswick, qui avait constaté ses aptitudes à devenir juge, une fonction qu’il exerce maintenant depuis 26 ans.

Karen Howard est originaire de Melville, village de 5 000 habitants, où le bénévolat est un mode de vie. « La présence de bons modèles de rôle, aux journées de tests, qui exercent leurs fonctions de juge, c’est ce qui m’a vraiment accrochée », a-t-elle signalé.

Karen est aussi devenue juge à l’âge de 16 ans, l’âge minimum exigé. Elle avait déjà amorcé les préparatifs avant de célébrer cet anniversaire. Parfois, elle ratait une journée d’école pour faire fonction de juge stagiaire. Ses parents l’appuyaient toujours.

Ce n’est pas facile de devenir juge, tout particulièrement au Canada. Et, il faut du temps, alors que les candidats avancent graduellement, participant à des stages, des ateliers et des séminaires durant leur cheminement. Il a fallu à Karen 18 ans avant d’obtenir sa première affectation internationale. Il a fallu environ 15 ans à André-Marc. Karen est juge depuis maintenant 32 ans, dont 14 ans à l’échelon international. Bien qu’elle n’ait jamais jugé un championnat du monde, elle a fait partie du jury olympique pour l’épreuve féminine à Sotchi. Il est important, en cours de route, a-t-elle fait observer, de « se forger une carapace », afin de juger avec confiance et conviction.

À la fin de la saison dernière, le Canada comptait 1 640 officiels accrédités, lorsqu’on tient compte de tous les juges de patinage en couple et en simple, de danse sur glace et de patinage synchronisé ainsi que des contrôleurs et des spécialistes techniques. Il ne faut pas oublier les spécialistes de données, soutient Norm Proft, l’ancien gestionnaire du programme des officiels de Patinage Canada. Ils prennent tous les chiffres des officiels et exécutent le logiciel qui fait tous les calculs définitifs.

« Lorsqu’on parle des héros méconnus du monde du patinage, on parle des spécialistes de données », fait remarquer Norm. Pourquoi ? Si le premier patineur met pied sur la glace à 8 h, le spécialiste de données arrive à la patinoire à 5 h 30 pour préparer l’équipement. Si le dernier patineur termine à 21 h, le spécialiste de données sera sur place pendant une heure de plus, pour tout terminer.

« La majorité de leur travail est fait en coulisse, à un endroit où on ne peut même pas voir la glace », a signalé Norm. « Si les spécialistes de données ont bien fait leur travail, personne ne sait qu’ils sont là. » Il faut des personnes hors du commun pour bien s’acquitter de cette tâche, a-t-il ajouté. Ils tiennent rigoureusement aux détails et à l’exactitude et sont toujours au courant des règlements et des processus.

Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que les sections de patinage de tout le pays créent les juges à partir de la base. Patinage Canada profite de l’énorme travail fait par les sections pour former les juges au niveau de base. Patinage Canada peut organiser cinq compétitions par saison, dont le Défi, les Championnats canadiens, les Internationaux Patinage Canada et les Championnats de patinage synchronisé tandis qu’une section peut en organiser autant durant un mois.

Et, des juges à ces niveaux inférieurs sont exigés. Bien que Patinage Canada compte environ 2 500 patineurs de compétition, il y a aussi 27 000 patineurs récréatifs qui participent à des compétitions. « À titre d’officiel, c’est un honneur de faire partie du moment de cet enfant », a ajouté Norm, qui est un contrôleur et spécialiste technique accrédité. « En tant qu’officiel, nous voulons que l’accent soit mis sur l’enfant. Si on fait bien notre travail, l’enfant peut concourir, se faire serrer dans les bras de son entraîneur et de ses parents, voir les résultats puis aller chez Dairy Queen. »

Cette saison, pour la première fois, l’Union internationale de patinage (ISU) a fait subir des tests aux juges internationaux et de l’ISU, afin de rendre le niveau de notation plus uniforme. Au cours des années précédentes, les fédérations faisaient subir des tests et accordaient l’accréditation à leurs propres juges, puis les recommandaient à l’ISU.

Maintenant, les pays recommandent les juges à l’ISU pour un stage de trois jours à Francfort, en Allemagne. « C’est intense », a précisé Karen Howard. Il faut faire fonction de juge stagiaire, effectuer un examen écrit et identifier des éléments.

Beverley Smith

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